Encore une immersion ! Oui, une autre expédition gouvernementale, un autre bal des écharpes ministérielles dans la poussière rouge du pays profond. Cette fois-ci, c’est à N’Zérékoré, là où, il y a à peine deux mois, une bousculade au stade du 3-Avril a fauché des dizaines de vies. Une tragédie nationale qui aurait mérité des hommages solennels, une enquête rigoureuse et des mesures concrètes. Mais à la place ? Une tournée politique où l’on joue aux "responsables attentifs", tout en évitant soigneusement les questions qui fâchent.

 

Une mémoire sélective : où sont les bilans de la junte ?

 

 

Depuis septembre 2021, la junte promet monts et merveilles : refondation de l’État, lutte contre la corruption, préparation des élections... Mais où en sommes-nous aujourd’hui ? Mystère ! Aucun rapport officiel, aucune évaluation, aucun bilan détaillé. Juste des phrases creuses et des visites théâtrales, où l’on félicite les populations pour leur patience – une patience forcée, faut-il le rappeler.

Chaque immersion est censée être une “prise de contact” avec les réalités locales. Très bien. Mais après plus de trois ans de transition, faut-il encore "découvrir" la Guinée ? Ou bien est-ce une façon subtile d’éviter de parler des vrais problèmes ?

 

L’ombre d'une facture salée : mais qui paie ?

 

Les ministres, eux, ne voyagent pas en charrette. Ils viennent en cortège, accompagnés de leurs escortes de sécurité, de leurs attachés de presse et d’une armada de communicants. Il faut loger tout ce beau monde, nourrir, transporter, organiser des cérémonies – bref, mobiliser des millions.

 

Mais qui paie ? Personne ne sait. Le gouvernement, toujours prompt à annoncer ses "grands projets", se garde bien de divulguer les chiffres de ces immersions répétées.

 

Une question simple : cet argent n’aurait-il pas été mieux investi dans l’indemnisation des victimes du drame de N’Zérékoré ?

 

Et les élections dans tout ça ?

 

Si cette immersion avait un sens, elle serait l’occasion d’annoncer enfin un calendrier électoral clair. Mais non. Silence radio. Aucune réforme institutionnelle en vue, aucun fichier électoral crédible, aucune garantie d’un scrutin transparent.

 

Pendant que le peuple attend, les putschistes gagnent du temps. Le flou est total, et plus le temps passe, plus l’idée d’un "glissement plus important"– ou d’une candidature surprise de Doumbouya – semble se dessiner.

 

Conclusion : une comédie bien rodée 

 

Bah Oury et ses ministres sont venus écouter, constater, compatir… et repartir. Comme à chaque immersion, les micros ont été tendus, les discours ont fusé, les images ont été soigneusement montées.

Mais dans les ruelles de N’Zérékoré, une question demeure : où étaient-ils le 1er décembre, quand la ville pleurait ses morts ?

 

Trop tard, trop creux, trop cynique.

 

La transition roule sur les cendres des espoirs démocratiques, et chaque immersion ressemble un peu plus à une tournée de campagne électorale qui ne dit pas son nom.

 

Alpha Bacar Guilédji 

"Écrasons l’infâme"

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