Un dictacteur n'est qu'une fiction. Son pouvoir se dissémine en réalité entre de nombreux sous-dictateurs anonymes et irresponsables dont la tyrannie et la corruption deviennent bientôt insupportables.

Gustave Le Bon, Hier et demain

Quand ils sont venus chercher Habib Marouane Camara...

Hier, à Conakry, ils sont venus chercher Habib Marouane Camara. Pas pour une interview fictive avec Titi Sidibé Babatiti, ni pour débattre de ses idées ou de ses enquêtes. Non. Ils sont venus pour l'enlever : un journaliste, une plume, un homme, arraché dans le silence de la nuit. On parle de lui, mais il est loin d’être le premier. Militaires, militants, opposants politiques, journalistes : une liste noire qui ne cesse de s’allonger, dans l’indifférence soigneusement calculée de ceux qui ne se sentent pas concernés.

 

Ce kidnapping ne surprend plus personne dans une Guinée où l’arbitraire est devenu la règle. Pourtant, ce qui devrait tous nous révolter devient un simple fait divers. Les hommes tombent dans l’oubli comme des feuilles mortes balayées par le vent. Hier, c’était un militant pro-démocratie, aujourd’hui un journaliste, et demain ? Peut-être vous. Peut-être moi.

 

L’indifférence, cette complice silencieuse, fait le jeu de ceux qui kidnappent, qui emprisonnent, qui tuent. La peur devient notre langue commune, et nous restons muets face à l’injustice. Mais rappelons-nous : ce silence, ce manque de courage collectif, finira par tous nous engloutir.

 

À ceux qui restent les bras croisés, rappelons les mots de Martin Niemöller, adaptés à nos jours sombres :

 

Quand ils sont venus chercher les militaires, je n’ai rien dit, je n’étais pas militaire.

 

Quand ils sont venus chercher les militants pro-démocratie, je n’ai rien dit, je n’étais pas militant.

 

Quand ils sont venus chercher les opposants politiques, je n’ai rien dit, je n’étais pas opposant.

 

Quand ils sont venus chercher les journalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas journaliste.

 

Puis, ils sont venus me chercher. Et il ne restait personne pour protester.

 

Alors, quand ils viennent chercher Habib, ils viennent chercher une partie de nous. Une partie de notre liberté. Un éclat de vérité. Ne laissons pas nos silences creuser nos tombes collectives. Il est encore temps de crier, de refuser, de résister. Mais pour combien de temps encore ?

 

Alpha Bacar Guilédji 

"Écrasons l’infâme"

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