Yaya Kairaba Kaba, Ministre de la Justice et des droits de l’homme, Garde des Sceaux.

Yaya Kairaba Kaba, Ministre de la Justice et des droits de l’homme, Garde des Sceaux.

Ah, la Guinée, ce pays où les drames semblent toujours devoir être relativisés. Le gouvernement annonce 56 morts suite à la bousculade tragique au stade du 3 avril de N’Zérékoré, mais les ONG et la presse internationale évoquent un bilan bien plus lourd : 135 morts et 50 disparus, voire plus de victimes. Mais qu’importe, selon notre cher Garde des Sceaux, Yaya Kairaba Kaba, "la Guinée n’est pas le premier pays où de tels évènements se produisent". Voilà qui rassure ! Le drame serait donc presque normal, un phénomène universel à ranger dans la catégorie des accidents regrettables mais inévitables.

 

Voir son interview sur africaguinee.com : Tragédie du stade 3 avril : « La Guinée n’est pas le premier pays où de tels évènements ont tourné de cette façon… » (Garde des Sceaux)

 

Pourtant, les circonstances évoquées par les témoins, les vidéos du drame qui circulent sur les réseaux sociaux et les rapports externes montrent une autre réalité : une organisation chaotique, une foule incontrôlable, et une absence totale de mesures de sécurité adaptées. Mais là encore, pas de panique ! Le gouvernement a réagi "spontanément" en moins de 24 heures. Une délégation ministérielle, un hélicoptère présidentiel pour évacuer quelques blessés graves, et une enveloppe symbolique pour les familles endeuillées. Tout cela devrait suffire à apaiser les esprits… ou pas.

 

Quant aux "chiffres exagérés" avancés par certains médias et ONG, ils ne sont que le fruit d’esprits mal intentionnés, selon le ministre. "Ergoter" sur ces chiffres, c’est presque un crime dans un pays où l’opinion publique devrait se contenter des bilans officiels, soigneusement filtrés pour éviter toute "coloration politique". Après tout, pourquoi remettre en question la parole d’un État qui fait toujours preuve d’une telle transparence ?

 

Mais il est difficile d’ignorer que cet événement n’était pas simplement "sportif". Organiser un tournoi dédié au président de la Transition, mobiliser des foules massives dans un contexte politique tendu, et choisir pour cela un stade en chantier depuis 2009, non homologué pour accueillir des spectateurs – encore moins des jeunes mineurs – relève d’une irresponsabilité criante. Et lorsque ce chaos prévisible tourne au drame, recourir à des comparaisons internationales pour en minimiser l’ampleur relève d'un cynisme glaçant et insoutenable.

 

Pendant ce temps, les familles pleurent leurs morts, parfois sans même savoir où sont les corps. Les témoignages rapportent une gestion désastreuse de l’après-drame, où l’inhumation précipitée et le silence officiel ajoutent à la douleur. Les ONG et la presse internationale dénoncent cette confusion, mais le gouvernement préfère se concentrer sur la défense de son image, accusant ceux qui posent des questions légitimes de "jeter de l’huile sur le feu". 

 

Alors, non, Monsieur le Ministre, ce drame n’est pas une simple fatalité. D'autres pays, peut-être, ont vécu de tels événements, mais ils en ont souvent tiré des leçons pour éviter que cela ne se reproduise. En Guinée, les morts s’empilent, mais les excuses officielles restent les mêmes. Et pendant que vous vous efforcez de minimiser l’ampleur de cette tragédie, les citoyens, eux, se demandent combien de vies devront encore être sacrifiées sur l’autel de l’incompétence et de la banalisation.

 

Alpha Bacar Guilédji 

"Écrasons l’infâme"

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