Mamadi Doumbouya : Réformes annoncées, promesses non tenues et opacité persistante – Quel avenir pour la transition en Guinée ?
02 oct. 2024Alors que la Guinée célèbre le 66ème anniversaire de son indépendance ce 2 octobre 2024, le discours de Mamadi Doumbouya a soulevé autant d’espoir que d’inquiétudes. Le président de la junte, arrivé au pouvoir en septembre 2021 après un coup d’État, a prononcé un discours mêlant fierté nationale et promesses de réformes ambitieuses. Pourtant, la réalité sur le terrain contraste fortement avec cette rhétorique officielle, notamment en matière de gestion des ressources minières, de respect des libertés fondamentales et de lutte contre la corruption.
Un discours de réformes et d’avenir prometteur
Doumbouya a mis en avant des projets visant à transformer la Guinée. Il a notamment évoqué le projet minier Simandou, qualifié de « projet de l’espoir et de la prospérité », ainsi que des initiatives pour autonomiser les femmes, moderniser les infrastructures et améliorer les services publics. Ces promesses de refondation de l’État sont censées jeter les bases d’une Guinée prospère et stable sur le long terme.
La junte a également affirmé son engagement en faveur de la transparence, avec des déclarations sur la lutte contre la corruption et des réformes judiciaires censées redonner confiance à la population. Cependant, ces annonces masquent une réalité bien différente, marquée par un non-respect flagrant des obligations légales et des engagements internationaux.
Opacité persistante autour du projet Simandou
Le projet Simandou, l’un des plus grands projets miniers d’Afrique, est devenu un symbole de l’opacité de la junte. Le Code minier guinéen, notamment son article 217-II, impose la publication des contrats miniers pour assurer la transparence et permettre à la population de connaître les termes des accords signés entre le gouvernement et les entreprises extractives. Cependant, la junte refuse toujours de publier ces contrats, en violation directe de la loi. Cette opacité alimente des soupçons de corruption et d’enrichissement personnel au sein du cercle dirigeant.
Le refus de divulguer ces informations essentielles empêche non seulement la population guinéenne de comprendre les bénéfices réels du projet Simandou, mais mine également la confiance des investisseurs et des partenaires internationaux. Cette gestion opaque des ressources naturelles fait écho aux pratiques des régimes précédents, renforçant l’idée que peu de choses ont réellement changé sous la junte actuelle.
Échecs dans la lutte contre la corruption et le respect des droits humains
Le discours de Doumbouya a également mis l’accent sur la lutte contre la corruption, une priorité affichée de son régime. Pourtant, malgré les promesses, les pratiques de gouvernance ne se sont guère améliorées. Les scandales de corruption persistent, et les réformes annoncées pour assurer la transparence restent largement cosmétiques. Les promesses de renforcer l’indépendance de la justice ne se sont pas concrétisées, et les institutions judiciaires continuent d’être instrumentalisées à des fins politiques.
Parallèlement, les violations des droits humains se sont multipliées sous la junte. Des figures de l’opposition et des militants de la société civile sont harcelés, arrêtés arbitrairement, voire portés disparus. Les manifestations pacifiques sont régulièrement réprimées avec violence. Ces atteintes aux libertés fondamentales ternissent l’image de la junte, qui prétend pourtant œuvrer pour la réconciliation nationale et la paix sociale.
Le non-respect du chronogramme de transition et la crise de confiance
L’un des échecs les plus notables de la junte est le non-respect du chronogramme de transition négocié avec la CEDEAO. Initialement prévu pour se terminer en décembre 2024, le processus de transition a été marqué par des retards répétés et un manque de clarté sur la tenue des élections. Les promesses d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel semblent de plus en plus lointaines, renforçant les soupçons que la junte cherche à prolonger indéfiniment son maintien au pouvoir.
Cette situation a considérablement affaibli la confiance des citoyens guinéens et des partenaires internationaux dans la capacité de la junte à mener à bien une véritable transition démocratique. Malgré les engagements pris, la junte n’a pas réussi à prouver qu’elle était capable de respecter ses promesses, que ce soit en matière de droits humains, de gouvernance économique ou de transition politique.
Quelle voie pour la Guinée ?
La Guinée se trouve à la croisée des chemins. Si Mamadi Doumbouya et son gouvernement de transition veulent réellement marquer l’histoire du pays en tant que réformateurs, il est impératif qu’ils commencent à respecter leurs propres engagements. La publication des contrats miniers, conformément au Code minier, serait un premier pas vers la transparence. Il est également crucial que la junte respecte le chronogramme de transition, organise des élections libres et équitables, et cesse les atteintes aux droits humains.
La transition démocratique guinéenne ne pourra réussir que si la junte se montre prête à céder le pouvoir et à respecter les principes de bonne gouvernance. Sans cela, la Guinée risque de s’enfoncer davantage dans un cycle d’instabilité politique et économique, compromettant les perspectives de développement durable et de prospérité pour les générations futures.
Alpha Bacar Guilédji
"Écrasons l'infâme"