Mamadi Doumbouya : Réformes annoncées, promesses non tenues et opacité persistante – Quel avenir pour la transition en Guinée ?
02 oct. 2024Depuis son arrivée au pouvoir en septembre 2021, Mamadi Doumbouya a cherché à imposer l’image d’un dirigeant réformateur, porteur de grands projets pour le développement économique de la Guinée. Pourtant, derrière cette ambition, une question cruciale persiste : ce discours est-il réellement celui d’un président de transition, ou celui d’un leader cherchant à pérenniser son pouvoir ?
Un discours de long terme pour un président censé être de passage
Depuis la commémoration du premier anniversaire du coup d’État, le 5 septembre 2022, la junte guinéenne, sous la direction de Mamadi Doumbouya, a progressivement déplacé son discours, passant de promesses de retour rapide à l’ordre constitutionnel à des projets de développement économique de plus en plus ambitieux. L’accent mis sur des projets miniers comme Simandou, ou des initiatives de développement des infrastructures, suggère une volonté de transformer la Guinée sur le long terme plutôt que de préparer une transition rapide vers un pouvoir civil.
Le 2 octobre 2024, lors de la fête de l’indépendance, Doumbouya a encore une fois évoqué de grands projets économiques, parlant de « refondation de l’État » et de réformes destinées à « garantir la prospérité de la Guinée pour les décennies à venir ». Ce discours, bien que porteur d’espoir, semble émaner d’un chef d’État ayant une vision à long terme plutôt que d’un président de transition dont le rôle premier devrait être de préparer des élections et de stabiliser le pays avant de rendre le pouvoir aux civils.
Économique avant démocratique : une transition dévoyée ?
Depuis le coup d’État, Doumbouya et la junte se concentrent principalement sur des objectifs économiques. Le développement de Simandou et les projets d’infrastructures figurent au cœur de leurs priorités, souvent au détriment des réformes politiques et électorales attendues. Alors que le chronogramme de transition négocié avec la CEDEAO prévoyait des élections avant la fin de 2024, la junte n’a cessé de retarder ce processus, préférant insister sur la transformation économique du pays.
Ce discours axé sur l’économie, s’éloignant des engagements politiques de la transition, soulève des questions sur les véritables intentions de la junte. En théorie, un gouvernement de transition se doit de remettre rapidement le pouvoir à des autorités élues démocratiquement. Or, les déclarations et actions de Doumbouya laissent planer un doute quant à sa volonté de respecter cet engagement.
Opacité persistante autour du projet Simandou
Le projet Simandou, l’un des plus grands projets miniers d’Afrique, est devenu un symbole de l’opacité de la junte. Le Code minier guinéen, notamment dans son article 217-II, impose la publication des titres miniers et des conventions minières dans le Journal Officiel ainsi que sur le site internet officiel du Ministère des Mines. De plus, toute clause de confidentialité interdisant la publication d’une convention minière est nulle et non avenue. Cette disposition légale vise à promouvoir la transparence et à prévenir les abus.
Cependant, la junte refuse toujours de publier les contrats liés au projet Simandou, en violation directe de cette loi. Cette opacité alimente des soupçons de corruption et d’enrichissement personnel au sein du cercle dirigeant. Elle prive également les citoyens guinéens de leur droit de savoir comment les ressources du pays sont exploitées et à quelles conditions.
Un président de transition ou un dirigeant en quête de permanence ?
Le rôle d’un président de transition est généralement circonscrit : stabiliser le pays, rétablir l’ordre constitutionnel, et organiser des élections. Cependant, le discours de Mamadi Doumbouya dépasse largement ce cadre. En axant sa communication sur la refondation de l’État, des réformes économiques et des projets à long terme, Doumbouya semble plus soucieux de légitimer son pouvoir que d’organiser un retour rapide à la démocratie.
L’accent mis sur le développement économique au détriment des libertés fondamentales et des engagements électoraux alimente les soupçons d’une tentative de maintien prolongé au pouvoir. La transition politique, initialement prévue comme une période temporaire, semble se transformer en une stratégie de consolidation du pouvoir militaire sous le couvert de réformes économiques.
Conclusion : Un avenir incertain pour la Guinée
Alors que Mamadi Doumbouya continue de promettre des réformes et un avenir prospère pour la Guinée, les retards dans la transition politique, l’opacité des contrats miniers, et les atteintes aux droits humains jettent un voile sombre sur ses intentions réelles. Si la junte ne respecte pas rapidement ses engagements envers la CEDEAO et la population guinéenne, la transition pourrait se prolonger indéfiniment, compromettant ainsi toute possibilité de retour à un régime démocratique stable et transparent.
Pour que la Guinée puisse réellement sortir de cette impasse, il est crucial que les promesses de transition soient suivies d’actes concrets. Organiser des élections, garantir la transparence des contrats miniers et respecter les droits fondamentaux devraient être les priorités immédiates du gouvernement. Sans cela, les discours sur le développement économique risquent de n’être que des façades pour légitimer une nouvelle forme de pouvoir autoritaire en Guinée.
Alpha Bacar Guilédji
"Écrasons l'infâme"