Makosso en compagnie du ministre de l'économie et des finances (Mourana Soumah) et du ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de l’Innovation (Alpha Bacar Barry)

Makosso en compagnie du ministre de l'économie et des finances (Mourana Soumah) et du ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de l’Innovation (Alpha Bacar Barry)

Le lundi 21 octobre, la Gouverneure de Conakry, la générale à la retraite M’Mah Hawa Sylla, a annoncé la nomination des membres des conseils de quartier pour les treize communes de la capitale, une décision qui suscite de vives réactions. Cette nomination, rendue possible par le Décret D/2023/0179/PRG/CNRD/SGG du 9 août 2023, représente, pour de nombreux acteurs politiques, un mouvement calculé du Comité National pour le Rassemblement et le Développement (CNRD) pour renforcer son emprise sur les collectivités locales. Ce décret, largement perçu comme une manœuvre de centralisation, va pourtant bien au-delà de la simple gestion administrative et soulève de sérieuses questions sur sa légalité et son impact sur la démocratie guinéenne.

Le « rideau de fumée » de la diversion médiatique

Dans le même temps, l'attention publique est largement captée par la polémique autour du pasteur ivoirien Général Makosso, une figure controversée et médiatisée. Certains observateurs estiment que cette communication autour de Makosso sert de diversion, permettant au CNRD de déployer son agenda de nominations stratégiques sans subir l’intensité du débat public et de l'opposition. En occupant la scène médiatique avec des sujets polémiques, la junte peut discrètement instaurer des responsables locaux fidèles, minimisant ainsi les chances d'opposition face à leurs ambitions politiques.

Une nomination en contradiction avec la loi organique

Le décret du CNRD entre en conflit avec le cadre juridique guinéen, en particulier la Loi organique N° L/2017/N°002/AN du 24 février 2017 portant code électoral révisé. Cette loi exige que les chefs de quartier soient désignés par des processus électoraux, assurant ainsi leur représentativité et leur légitimité. L’article 99 précise que le président de chaque conseil doit être issu de la liste ayant remporté les élections communales, avec les autres membres répartis au prorata des résultats obtenus. Cette organisation vise à garantir que les chefs de quartier représentent effectivement les choix des citoyens.

En confiant ces nominations aux gouverneurs par décret, la junte modifie la loi organique sans passer par un processus législatif, une violation du principe de la hiérarchie des normes qui exige qu'un décret ne puisse modifier une loi. Cette nomination administrative prive ainsi les citoyens de leur droit à une représentation indépendante, en installant des chefs de quartier dépendants du pouvoir exécutif.

Une accusation de préparation électorale et d’homologation de la dictature

Les critiques ne se limitent pas à des questions de procédure. Dans les colonnes du Lynx, Mohamed Lamine Kamissoko, figure du RPG Arc-en-ciel, accuse le CNRD de vouloir « homologuer la dictature » en plaçant des fidèles à la tête des quartiers de Conakry. Selon lui, cette stratégie vise à garantir un contrôle local en faveur de la junte pour les prochaines échéances électorales, au détriment de l’indépendance politique des quartiers. Toujours dans les colonnes du Lynx, Edouard Zoutoumo Kpoghomo, de l’UDRP et de l’ANAD, ajoute que cette initiative va exacerber les tensions sociales, en imposant des responsables non élus et perçus comme des alliés de la junte, risquant de provoquer des réactions hostiles dans les communautés.

Conclusion

La nomination des chefs de quartier à Conakry, accompagnée d'une stratégie de diversion médiatique autour du pasteur ivoirien Makosso, semble être un mouvement calculé du CNRD pour assurer son contrôle du paysage politique local. Dans un contexte où les institutions de contre-pouvoir ont été largement affaiblies, cette nomination centralisée consolide la mainmise de la junte, fragilisant davantage l'État de droit et la démocratie guinéenne. Pour les observateurs, cette situation est un signal inquiétant sur la capacité de la Guinée à réaliser une transition démocratique, d’autant que les nominations administratives s’accompagnent d’une manipulation de l’opinion publique, détournant les regards des manœuvres politiques en cours.

Alpha Bacar Guilédji 

"Écrasons l’infâme"

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